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L'Homme en Noir

L'Homme en Noir

instants de chroniques pour du temps à perdre !


"Godwin m'a tuer"

Publié par Nicolas Koredly sur 17 Septembre 2015, 05:39am

"Godwin m'a tuer"

Clairement, je pense que tous les gens qui lisent (donc la dizaine) ce blog auront compris que je ne partage pas les idées du Front National, et de l’extrême droite en général. On pourrait même se risquer sans avoir peur de perdre un bras à dire que je penche du côté gauche. Maintenant que ça c’est réglé, je peux t’inviter, si lire un texte critique sur l’extrême-droite te dérange, à faire autre chose, tu ne perdras pas de temps.

Bon, si tu restes prend bien garde, et ne dit pas que je ne t’ai pas prévenu. Ce serait un mensonge et ce ne serait pas bien beau. On remarque aussi que je tutoie, mais qu’à aucun moment je ne te nomme, oh toi lecteur anonyme. Et bien, parce que je suis de gauche, mais sexiste (et que j’ai beaucoup d’humour) je vais t’appeler Barnabé. Si tu t’appelles Barnabé, par avance pardon.

1/ Mais c’est quoi l’extrême droite.

Vaste question. Dur de réduire l’extrême droite à simplement : Les Frontistes, ou dangereux de réduire à : les fachos. A l’origine, ce ‘’clivage’’ n’est qu’une histoire de placement de fauteuil dans l’assemblée. Comme la politique, c’était pas forcément la fête à l’époque, et que sur un coup de tête tu pouvais y aller d’un coup de rapière, on plaçait les groupes par « affinités », hérité de l'ancien régime où on mettait les prêtres entre la noblesse et les bourgeois, comme pour que les neutres séparent les "ennemis" séculaires.

L’extrême droite de l’hémicycle comprenait les monarchistes, les ultra-libéraux, les anti-parlements, bref, ceux qui étaient contre l’établissement dans lequel ils se trouvaient. Pour faire très simple, et caricaturer un peu, les membres de l’extrême-droite était un peu contre tout. Leur but n’était pas tellement de participer au débat public que détruire l’institution dans laquelle ils se trouvaient engoncé.

Et donc, on a du monarchiste, qui veut le retour du roy sur la bonne terre sacrée de France, de l’impérialiste qui regrette le temps bénie des colonies, du bourgeois qui se verrait bien à la tête du pays, de l’opportuniste, du mégalo. Il y a les complotistes, ceux qui haïssent les Francs-Maçons, responsable de tout, ceux qui haïssent l’Amérique ce berceau d’English vulgaire, ceux qui haïssent l’URSS ce repère de coco qui mangent leur chien.

Ce rappel extrêmement rapide n’en est pas vraiment un. Mais je me disais qu’introduire un tel article sans rappeler que l’extrême droite à la base, c’est un rassemblement de beaucoup de monde qui peut pas forcément se sentir c’était important. Il faut faire naître et voir les contradictions dans le discours pour bien introduire la suite de propos, car des contradictions l’extrême-droite n’en manque pas.

2/ Pourquoi embête-t-on encore ce pauvre Godwin ?

Rentrons à deux pieds dans le vif du sujet. Mike Godwin a développé une ‘’loi’’ à la manière des grands principes scientifiques disant que plus une conversation sur le net avance, plus la probabilité d’y voir apparaître une mention/comparaison entre son interlocuteur et Hitler ou le fascisme se rapproche de 1. L’auteur de ce "point Godwin" aura dès lors prouvé son incapacité à débattre, et aura en terme extérieur un peu métaphysique perdu ce même débat (même s’il continue de s’agiter et de taper du poing sur la table en bavant… Oui, encore plus dans ce cas-là.)

Mais pourquoi donc ? Ah là déjà on se heurte un soucis plus compliqué. On considère, à tort comme à raison, que la seconde guerre mondiale et sa guerre contre une idéologie fasciste a révélé le pire de l’homme. Ainsi, arriver dans un débat à comparer sur une échelle d’égalité les termes d’Hitler et son interlocuteur c’est l’accuser d’un génocide, ou du moins d'être pour celui-ci. Or, dans 99% des cas ce parallèle sera totalement éloigné de la conversation, ne sera absolument pas un point de comparaison cohérent, et dans le dernier pourcentage n’aura pas besoin d’être évoqué. Dans ce dernier pourcentage en effet de probable, l’individu se réclamera de lui-même de la comparaison.

De plus, et là on retrouve face à un souci fondamental, insulter son interlocuteur de fasciste n’est pas un argument, mais une accusation ad hominem. Ça ne le rend pas idiot d’être fasciste (s’il l’est) et ça rend pas fausses toutes ses affirmations. Ainsi, accuser quelqu’un d’un tort en utilisant une injure ne fait pas avancer le Schmilblick. Si un fasciste dit que la terre est ronde, a deux pôles et tourne sur un axe ainsi qu’autour du soleil, il n’a pas tort, tout fasciste qu’il soit. Dans le même exemple, si un individu vous énonce qu’il croit que la terre est carré et constitue le centre de l’Univers, le traiter de fasciste ne constitue pas un argument pour prouver qu’il a tort.

3/ Comment internet a sauvé l’extrême-droite :

Vous l’aurez compris, difficile de ne pas céder à la tentation Godwin dans un débat. Parce que beaucoup sont persuadés que c’est un argument, et qu’on peut se contenter de dire « bouh sale vilain méchant pas beau » et de mettre le reste sous le tapis. Et oui, on ne débat pas avec les fachos, on ne leur donne pas la parole car qui sait, ça pourrait libérer leur permettre de convaincre deux trois personnes. (je ne l’invente pas, il suffit de voir les charges qu’a subit Eric Naulleau après son livre de débat avec Soral)

Mais alors pourquoi on a ce plan ? Parce qu’il faut bien l’avouer, pendant des années ça a fonctionné. Le déni a permis à des dizaines de personnes de se satisfaire de ne pas avoir à débattre avec ces individus. Et dés lors, ce qu’on va appeler la « bien-pensance » a été défendu par des gens propres, les nouveaux philosophes en chemises repassés et col blanc. Ils s’enfermaient dans des débats basiques, renvoyant du Godwin en vois-tu en voilà, et se retrouvaient partout avec leur dégaine de bon client.

Le problème, c’est qu’ils débattaient entre eux sur du vide, et comme l’opposition était cachée, silencieuse, inutile de prendre le temps d’avoir besoin de vrais recherches. On se contentait de classifier méchant d’un côté, gentil de l’autre. Et ça marchait ! A l’époque, les thèses négationnistes s’échangeaient sous le manteau ou des sombres salles avant que la police n’intervienne et autant dire que c’était difficile de savoir qui était Faurisson.

Et oui, je parle d’un temps où, si l’extrême droite existait bien, seuls les plus durs volontaires des parties se revendiquaient comme tel et marchaient à trente derrière des drapeaux et une jeune femme engoncée dans une armure qu’ils appelaient Jeanne. (alors que même Barnabé tu sais qu’elle s’appelait Françoise)

Mais alors, pourquoi donc à moins d’avoir le crâne rasé où une collection de couteaux gravé à votre nom ( http://www.lemonde.fr/afrique/article/2012/03/16/le-grand-blond-au-poignard_1669337_3212.html )d’après les répliques de ceux des S.S., dur de l’annoncer comme ça, à moins que tonton Dédé ait un peu trop abusé du vin rouge. Et oui, on avait honte d’être du front national fut un temps. Mais alors, qu’est-ce qui a changé depuis lors ? internet est arrivé.

Vous vous souvenez comme au début d’internet on allait sur des forums, qui commençait à se créer, pour parler ensemble de quelle allure aurait cet épisode 1 de Star Wars, des rumeurs sur un obscur néo-zélandais qui adaptait un roman de fantasy à propos d'anneaux en films. Et oui, ce renouveau et cette soudaine compréhension qu’a eu la communauté Geek du fait de ne pas être seul, mais d’être en effet bel et bien des communautés.

Ben l’extrême-droite ça a fait pareil.

Et oui, car bien caché derrière un écran, plus de honte à avoir. L’anonymat ne fournit plus aucune honte, et dur de donner du « vous êtes méchant » quand on n’a pas le poids du monde derrière soit… L’argument devient rapidement obsolète. Oui, l’anonymat a permis aux gens de se retrouver, de libérer leur parole, de se rendre compte qu’ils n’étaient pas seuls à penser ce qu’ils pensaient. Et oui, la foule et l’adhésion entraîne la foule et l’adhésion.

Si 20 personnes avant toi ont dit « nan mais sincèrement, Hitler c’est les arabes et les noirs qu’il aurait du mettre dans des camps », quel mal y a-t-il à être le 21e ? Et voilà comment s’est démontré la Loi de Godwin sur Internet. Et c’est sans aucun doute quelque chose de bien.

4/ La nécessité du débat

Il est bien qu’il y ait des anonymes et des gens dont vous ne voyez pas le visage, dont vous n’ayez pas le nom sur Internet. Vous n’avez pas à les craindre, mais à travailler sur vous-mêmes. Comprenez bien qu’il n’est plus nécessaire pour eux de se cacher, et maintenant la parole étant celle d’une « majorité » les hommes politiques qui vont toujours dans le sens de la vague (la métaphore, pas le film qui serait placé là formerait un vilain point Godwin), des membres de partis « républicain » ose sortir flirter l’électorat à 20% du FN.

Il ne suffit plus (et n’a jamais suffi en fait) de traiter l’autre de méchant vilain pas beau. Vous voulez combattre le front national et l’extrême droite ? Lisez ses arguments, apprenez de vous-même à les contrer. Je parle bien de tous les contrer, pas seulement les plus évidents. Oui le FN est plein de contradiction, au sein même de son parti. Comment peut-il en être autrement ? Vous les avez laissé vous pousser dans vos retranchements, apprenez de l’horreur.

Écoutez les théories révisionnistes pour les combattre. Connais ton ennemi si tu veux pouvoir le vaincre. Si vous laissez la connaissance derrière en vous abritant derrière une prétendue morale, vous avez déjà perdu le débat. Il n’est pas difficile de contredire Soral, il n’est pas difficile non plus de le comprendre. Essayez autant que possible de ne pas vous enfermer dans un carcan de dénonciation « d’antisémitisme ».

Oui, il faut être prêt à entendre des horreurs, mais aussi des demi-vérités, et parfois des vérités entières. Oui, comme je l’ai dit, si Alain Soral déclare que la terre est sphérique (à peu près, chipotons pas), qu’il y a deux pôles, vous serez forcés de reconnaître qu’il a raison. Gardez votre calme, le but n’est pas de lui démontrer qu’il a tort et que c’est un salaud, de toute façon vous n’y arriverez pas.

Des années de moralisme du débat nous ont fait perdre un temps précieux. Oui nous ne savons plus débattre sereinement, et nous passons plus de temps à taper sur des tables qu’à tenter d’avancer, en cela nous nuisons à notre propre cause.

Toutes ces problématiques sont compliqués, bien entendu. Mais c’est avec cet effort que vous apprendrez à nouveau à débattre, en écoutant dans un premier temps. L’écoute de tous les points de vue ne nous rend pas objectif, mais au moins ne nous enferme pas dans un carcan unique, car même si le combat que l’on fait peut paraître juste, ça ne nous donne pas tous les droits.

Ainsi, si je déclare ici que je suis persuadé de la bêtise profonde et du danger que représente le discours d’Alain Soral, beaucoup risquent d’être d’accord. Si je déclare que je suis convaincu de la bêtise profonde et du danger que représente le discours d’Alain Finklekraut c’est déjà plus compliqué si vous avez validé mon point précédent.

5/ Corollaire de la Loi de Godwin (made in l’Homme en Noir)

Oui, un corollaire. Parce que si dans un débat on considère que vous perdez le débat en cas de comparaison avec le fascisme, nous devons considérer qu’il en est de même si vous comparez maintenant votre interlocuteur à un Islamiste religieux voir un terroriste. Holala le mot qu’il fait peur et perdre tout neurones aux gens en ce moment.

Cette logique actuelle du « ou vous êtes avec nous, ou vous êtes avec les terroristes ! » qui nous a fait passer la loi sur le renseignement comme une lettre à la poste est dangereuse, et ce bien plus que tout discours antisémite d’un quelconque Vincent Reynouard. Dès lors que pour descendre votre adversaire, vous vous dites qu’il est probablement ou effectivement un terroriste, considérez que vous gagnez un point Homme en Noir.

Et oui, car il est aussi logique de comparer un réfugié Syrien avec un Islamiste radical, que de comparer Marine Le Pen à Adolf Hitler, et réciproquement. Et là vous remarquez que certains peuvent se vanter de cumuler les deux points sans en rougir (le monde est bien fait Barnabé). Ainsi tu vas même développer en tête que ça peut se mettre à toutes les sauces :

Non, un femme défendant ses droits (ou en demandant) n’est pas une féministe castratrice lesbienne enragé du vagin. Non, un juif qui vient présenter un débat n’est pas un franc-maçon sioniste illuminati mangeur de bébé palestinien. Non un type venant défendre le droit d’un adulte à coucher avec des enfants n’est pas un pédop… Oh wait.

Pour faire simple, après ce petit trait d’humour. Partons simplement du principe que dans un débat, quoi qu’il arrive, vous ne devez jamais sombrer dans l’argument ad hominem. Je ne dis pas que c’est facile, bien au contraire, et moi aussi il m’arrive de m’énerver violemment. Mais n’oubliez pas que la colère, comme la peur, ne sont pas des bons guides mais conduisent au côté obscur. Oui les extrémistes y sont déjà, et depuis trop d’années. Peur, colère, haine, souffrance, Marine Le Pen a tout ça.

Ne sombrez pas à sa suite, et à celle des gens qui ne savent pas être dans la retenue. La retenue n’est pas l'inaction, la sérénité n’est pas la naïveté, et vous rendrez votre interlocuteur beaucoup plus ridicule en le voyant s’énerver face à vous. Mais oui, sa colère sera inévitable, elle ne peut qu’arriver car comme je l’ai dis, ceux dont le discours est empli de haine se mordent la queue, tournent en rond, et ne supportent pas leurs propres contradictions. Attention, je ne vous propose pas d'être peace and love, on peut être ferme sans être con.

Laissez-les vous expliquer comment vous n’avez qu’à accueillir la misère humaine, comment c’est vos problèmes, pas les leurs. Montrez leur qu’en fait vos problèmes seront les leurs, que nous vivons bien malgré certains ensemble. Démontez un à un chaque argument, pas pour les faire changer, mais pour ne plus se taire.

6/ Bilan

Je ne voulais pas revenir aussi tôt sur un texte politique. Mais voilà, ce texte me tournait dans la tête depuis longtemps et je me sentais obligé de le sortir. Tu vois Barnabé, je trouve ça triste qu’il y ait eu un renversement de la honte, que maintenant dire qu’on est de gauche nous renvoie à des propos qui tentent de nous rendre honteux. Car ils prétendent que nous sommes les conformistes mais qu’en même temps ils sont la majorité, ils prétendent que nous les muselons quand leur présence dans les médias est ultra dominante, qu’ils mettent la liberté sur internet en égérie et les actions de harcèlement numérique du camp adverse comme de sympathique blague, et que le hack malheureux de leurs sites est une atteinte à leur liberté.

Ne baisse pas la tête Barnabé, ta parole a autant de poids que la leur. Tu n’as pas à plier devant eux, car ils ne sont pas la majorité, loin de là, et c’est la peur qu’ils utilisent, la même que celles qu’ils ressentent.

Ne te laisse jamais guider par la peur ou la colère. Laisse ces armes aux faibles, et tu ne veux sans doute pas finir avec un point « Homme En Noir Unhappy », hein Barnabé ?

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